Cette étude propose d’examiner la représentation spatiale du cimetière juif dans les œuvres littéraires des écrivains français Henri Calet et luxembourgeois Paul Palgen, méconnus voire oubliés aujourd’hui. Composés pendant les années de l’Occupation ou dans l’immédiat après-guerre, ces textes mettent en scène le cimetière juif comme un lieu d’anéantissement, qui se situe hors de l’espace et de tout territoire. L’espace est entendu ici au sens lefebvrien, ayant un caractère social et étant un produit social. Le collage de l’écrivain et artiste belge Max Servais, Les Rêveries du promeneur solitaire, permet d’accomplir une lecture parallèle qui se partage entre le texte et l’image et d’appréhender la dimension spatiale du cimetière juif en lien à la fois avec la temporalité et la mémoire. Les œuvres abordées ici questionnent, à travers diverses formes (récit narratif, poème, collage), cette entreprise d’effacement pluriel – de l’Histoire, mais aussi des hommes – par les barbaries modernes. L’espace du cimetière juif, dévoilé ici à vol d’oiseau ou en gros plan, est celui qu’il est possible de façonner, et qui reste en permanente « production » (mot lefebvrien) dans le présent dans lequel il s’inscrit, malgré un écart marqué avec le passé auquel il se réfère simultanément (la Shoah).

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